Mécanismes
Sources naturelles de composés atmosphériques

Émissions biogéniques

Les émissions gazeuses au-dessus des surfaces continentales sont issues soit directement de la végétation, soit des sols à la suite de la dégradation de la matière organique. 

Les plantes ont en général un métabolisme qui leur permet de produire et d’émettre une très large variété de composés organiques volatils (COV, hydrocarbures et hydrocarbures oxygénés).  La production de COV par la végétation est dominée par les émissions d’isoprène (C5H8), essentiellement produit par les arbres à feuilles caduques, avec des taux d’émission très variables selon les espèces. Les résineux émettent surtout  des composés terpéniques.

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Systèmes de mesure des flux d’émission de COV naturels déployés sur la végétation méditerranéenne pendant l’expérience ESCOMPTE

sont une source significative pour trois composés importants en chimie atmosphérique : le méthane (CH4), le monoxyde d’azote (NO) et le protoxyde d’azote (N2O). Les mécanismes d’émission sont directement liés au cycle de la matière organique dans le sol. Dans le cas du méthane, l’émission résulte de la dégradation de la matière organique en condition d’anaérobiose stricte (absence d’oxygène) sous l’action de bactéries spécifiques.

: Dans la couche de surface de l’océan, les gaz réactifs produits sont essentiellement des composés du carbone (hydrocarbures non méthaniques) et du soufre (hydrogène sulfuré et surtout sulfure de diméthyle, ou DMS). Les flux de DMS à la surface de l’océan sont difficiles à mesurer et très variables en fonction de la productivité primaire des différentes zones océaniques.

L’érosion éolienne.

La production d’aérosols sous l’action du vent se fait aussi bien à la surface des océans qu’à celle des continents.

Sur les océans, la formation d’aérosols (des particules de sel marin) résulte du phénomène de « pétillement » (bubbling) de l’eau de mer. 

Sur les continents, l’action du vent provoque un soulèvement de particules minérales sur les sols dépourvus de végétation. 

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Tempête de sable en Afrique, les poussières ainsi soulevées par le vent peuvent être transportées sur des milliers de kilomètres

Les émissions des volcans

Les émissions volcaniques (fumerolles, éruptions) injectent dans l’atmosphère essentiellement du dioxyde de carbone. Elles injectent également des quantités importantes de gaz soufrés et d’aérosols, y compris jusque dans la stratosphère.

Production de NOx par les éclairs 

La production des NOx par les éclairs d’orage est liée à la décharge d’énergie accompagnant ces éclairs. Ces NOx sont constitués en majorité de NO (entre 75 % et 95 % du total).  Globalement, la production de NOx a tendance à se concentrer au-dessus des masses continentales tropicales, avec des maxima au-dessus de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et du Sud-Est asiatique.

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Photo d’éclair montrant à la fois, sur la gauche, un ensemble de précurseurs et sur la droite une décharge d’arc en retour beaucoup plus intense

I Les émissions dues à l’activité biologique dans les écosystèmes terrestres (émissions biogéniques)

Les émissions gazeuses au-dessus des surfaces continentales sont issues soit directement de la végétation, soit des sols à la suite de la dégradation de la matière organique. Dans ce paragraphe nous n’évoquerons pas les échanges de carbone sous forme de CO2, aussi bien au niveau des sols que de la végétation, qui accompagnent les émissions des autres constituants atmosphériques.

I.1 La végétation

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Photo 1 : Systèmes de mesure des flux d’émission de COV naturels déployés sur la végétation méditerranéenne pendant l’expérience ESCOMPTE.

Les plantes ont en général un métabolisme qui leur permet de produire et d’émettre une très large variété de composés organiques volatils (COV, hydrocarbures et hydrocarbures oxygénés). En réalité, les différentes familles de plantes (au sens de la classification systématique) émettent préférentiellement différents groupes de COV. La production de COV par la végétation est dominée par les émissions d’isoprène (C5H8), essentiellement produit par les arbres à feuilles caduques, avec des taux d’émission très variables selon les espèces. Les résineux émettent surtout des composés terpéniques. Les émissions naturelles de composés organiques volatils par la végétation seraient cinq fois plus intenses que celles d’origine anthropique.

Ces composés sont synthétisés à l’intérieur des cellules de la plante selon des mécanismes étroitement associés à son métabolisme. L’isoprène par exemple se forme à travers un processus enzymatique déclenché par l’enzyme isoprène synthase. L’efficacité de production cellulaire de l’isoprène et son émission dépendent de la quantité et de l’activité de cette enzyme laquelle est directement influencée par la lumière. Par ailleurs le processus fondamental qui gouverne l’émission des COV, comme l’isoprène, est la diffusion et ce phénomène est directement influencé par la température. À l’échelle de la feuille, les deux principaux facteurs influençant les émissions de COV sont donc le rayonnement reçu par la feuille et la température de l’air. C’est la raison pour laquelle les émissions biogéniques des plantes présentent de très fortes variations saisonnières dans les régions tempérées, ces variations sont beaucoup plus faibles dans les régions équatoriales ou la végétation est active en permanence. Cette dépendance à la température et à la lumière explique que les émissions biogéniques de COV naturels, qui sont des précurseurs de l’ozone, jouent un rôle parfois significatif dans les niveaux d’ozone atteints en été, lors des épisodes de pollution intervenant pendant les périodes anticycloniques.

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Schéma 1 : Carte du potentiel d’émission d’Isoprène en France (en µg msol-2 h-1) avec une résolution 2km. Les régions forestières des zones de montagnes et des zones méditerranéennes sont les lieux privilégiés d’émission d’isoprène et autres hydrocarbures par la végétation.

I.2 Les sols

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Photo 2. Les sols des forêts tropicales sont, selon leur degré d’humidité, qui souvent varie avec la saison, des sources de méthane et de protoxyde (voire de monoxyde) d’azote © Robert Delmas

Les sols sont une source significative pour trois composés importants en chimie atmosphérique : le méthane (CH4), le monoxyde d’azote (NO) et le protoxyde d’azote (N2O). Les mécanismes d’émission sont directement liés au cycle de la matière organique dans le sol. Dans le cas du méthane, l’émission résulte de la dégradation de la matière organique en condition d’anaérobiose stricte (absence d’oxygène) sous l’action de bactéries spécifiques : les bactéries méthanogènes transforment les substrats organiques qui résultent de la fermentation en biogaz contenant du méthane et du gaz carbonique. L’émission de méthane dans l’atmosphère est ensuite régulée par les conditions de diffusion vers la surface ; la traversée d’une zone contenant de l’oxygène se traduit en général par une forte réoxydation du méthane en gaz carbonique par des bactéries méthanotrophes. Les milieux naturels susceptibles d’émettre du méthane sont donc des milieux anoxiques (dépourvus d’oxygène) aussi variés que les marécages, les forêts inondées, la panse des ruminants ou les termites…

Les oxydes d’azote et l’ammoniac résultent des transformations de l’azote dans le sol associées au cycle naturel de l’azote. En effet les plantes réassimilent l’azote du sol essentiellement sous forme minérale. L’azote organique est donc minéralisé c'est-à-dire transformé en ammonium (NH4+) puis en nitrates (NO3-) sous l’effet de bactéries spécifiques. Il s’agit des processus dits d’ammonification et de nitrification. Les nitrates peuvent également être réduits pour être retransformés en azote moléculaire (N2). Au cours de ces transformations l’azote passe par formes gazeuse sous forme de d’ammoniac (NH3) de monoxyde d’azote (NO) ou de protoxyde d’azote (N2O) qui selon les conditions physiques du sol (porosité, humidité, température…) peuvent être libérés dans l’atmosphère.

De manière générale les émissions des sols naturels sont conditionnées par leur richesse c'est-à-dire par leur teneur plus ou moins importante en matière organique et par leur degré d’humidité qui conditionne la diffusion de l’oxygène dans les sols. Les zones humides et faiblement oxygénées, ou totalement désoxygénées, seront source de protoxyde d’azote et de méthane alors que les sols secs et aérés émettront plutôt du monoxyde d’azote.

I.3 L’océan

Dans la couche de surface de l’océan, les gaz réactifs produits sont essentiellement des composés du carbone (hydrocarbures non méthaniques) et du soufre (hydrogène sulfuré et surtout sulfure de diméthyle, ou DMS). Les flux de DMS à la surface de l’océan sont difficiles à mesurer et très variables en fonction de la productivité primaire des différentes zones océaniques. L’émission totale est estimée à 25.106 T (S) par an. Dans l’atmosphère, le DMS s’oxyde en SO2, puis en aérosols sulfatés, ce qui explique l’enrichissement en sulfates des aérosols en milieu océanique. Les émissions d’hydrocarbures, voire de protoxyde d’azote (N2O), à la surface des océans restent mineures dans le bilan atmosphérique de ces composés.L’influence du DMS marin sur le climat est prise en compte en raison de sa transformation en aérosols de sulfates qui influent sur le bilan radiatif de la Terre. La modification de la productivité océanique du aux activités humaines est susceptible d’avoir une influence sur le flux de DMS et donc un effet de rétroaction climatique qui reste encore à évaluer avec précision.

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Schéma 1 : Carte montrant une estimation des émissions de DMS par l’océan mondial en mg S.m-2.an-1. Ces émissions sont fréquemment reliées à la productivité océanique par le biais d’estimation de la production de chlorophylle A mesurée par satellite (mesure de la couleur de l’eau)

II L’érosion éolienne (production d’aérosols sous l’action du vent)

La production d’aérosols sous l’action du vent se fait aussi bien à la surface des océans qu’à celle des continents.

Sur les océans, la formation d’aérosols (des particules de sel marin) résulte du phénomène de « pétillement » (bubbling) de l’eau de mer. Sous l’action du vent, la crête des vagues se brise entraînant dans l’eau des bulles d’air qui, en éclatant ensuite à la surface, projettent des micro-gouttelettes d’eau de mer. Ces micro-gouttelettes sont alors emportées par le vent, puis desséchées, donnant naissance à des aérosols salins dont la composition chimique est voisine de celle du sel de mer.

Sur les continents, l’action du vent provoque un soulèvement de particules minérales sur les sols dépourvus de végétation. Des poussières, dont la taille varie de 0,1 à quelques dizaines de micromètres sont ainsi mises en suspension, directement ou indirectement dans l’atmosphère. Les particules micrométriques ou sub-micrométriques, dont la vitesse de dépôt par sédimentation est négligeable, sont susceptibles d’être transportées sur de grandes distances. Les principales zones de génération de poussières éoliennes sont les zones désertiques, notamment le Sahara. Les poussières sahariennes atteignent fréquemment l’Amérique du Sud, voire le Sud de l’Europe. Ces particules ont une composition chimique proche de celle du sol qui les a produites.

L’érosion éolienne des sols dans les zones arides et semi-arides de la planète est l’une des principales sources d’aérosols troposphériques. On estime en effet qu’environ 1500 Tg (1012g) d’aérosols minéraux sont ainsi injectées chaque année dans l’atmosphère. Ces aérosols terrigènes ont un impact sur le bilan radiatif terrestre, la chimie troposphérique et les cycles biogéochimiques de certains éléments (Fe, P…).

Les processus physiques d’émissions des aérosols minéraux par l’érosion éolienne des sols sont contrôlés par des paramètres météorologiques et par les propriétés de la surface du sol. La combinaison de ces processus physiques non linéaires avec la variabilité des paramètres météorologiques et des propriétés des surfaces rend ces émissions particulièrement hétérogènes dans le temps et l’espace. L’estimation de leur intensité et de leur localisation, notamment à l’échelle régionale ou globale, nécessite donc de connaître les processus physiques mis en jeu, ainsi que les données météorologiques et les propriétés de surface en zone-source à la résolution requise.

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Tempête de sable en Afrique, les poussières ainsi soulevées par le vent peuvent être transportées sur des milliers de kilomètres

III Emissions des volcans

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Photo 4 : Eruption du Piton de la Fournaise à la Réunion en avril 2007. Lors de cette éruption des concentrations de SO2 supérieures à 3000 µg/m3ont été mesurées dans un village situé à de 1km de la bouche éruptive. ©) Robert Delmas

Les émissions volcaniques (fumerolles, éruptions) injectent dans l’atmosphère essentiellement du dioxyde de carbone. Ces émissions régulent à très long terme le stock atmosphérique de CO2. Elles injectent également des quantités importantes de gaz soufrés et d’aérosols, y compris jusque dans la stratosphère. Les éruptions violentes, comme celle du Pinatubo aux Philippines (1991), a provoqué des altérations sensibles, sinon durables, du bilan radiatif régional et global et de la couche d’ozone stratosphérique.

IV Production de NOx par les éclairs

La production des NOx par les éclairs d’orage est liée à la décharge d’énergie accompagnant ces éclairs. Ces NOx sont constitués en majorité de NO (entre 75 % et 95 % du total). Le NO formé réagit rapidement avec l’ozone pour former du NO2 et un équilibre photochimique est atteint pour les éclairs ayant lieu le jour. Les NOx seraient principalement produits pendant la phase de haute énergie de l’onde de retour (arc en retour) et dans une moindre mesure lors de la phase d’initialisation, ou phase du précurseur. Le coup de foudre crée une zone de fortes températures et pression, qui produit un front de propagation. Ce front se refroidit au fur et à mesure de son expansion. Le NO est produit par le mécanisme dit de Zeldovitch qui fait intervenir la décomposition de l’azote et de l’oxygène moléculaire de l’atmosphère dans la zone chaude entourant le passage de l’éclair.

Globalement, la production de NOx a tendance à se concentrer au-dessus des masses continentales tropicales, avec des maxima au-dessus de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et du Sud-Est asiatique. Les deux tiers de la production se concentrent dans les tropiques, entre 30° S et 30° N, les deux tiers de cette production se trouvant dans l’hémisphère nord. Les latitudes tempérées du nord sont le siège de 23 % des émissions, celles du sud de 6 %. Cette différence entre le Nord et le Sud (facteur 4) indique qu’il existe un déséquilibre des émissions de NOx (et donc de l’ozone troposphérique) qui n’est pas entièrement dû aux émissions anthropiques. Dans l’atmosphère pré-industrielle, les éclairs étaient la principale source de NOx et auraient impliqué un déséquilibre d’un facteur 3/2 de l’ozone troposphérique entre les deux hémisphères. La production de NOx par les éclairs est particulièrement importante dans la compréhension de la chimie de l’ozone troposphérique, car celle-ci intervient à une altitude de la haute troposphère (2 à 4 km de la tropopause), où la durée de vie de ces composés est nettement plus longue qu’au sol. Les NOx de la haute troposphère, émis localement par les éclairs ou transportés, ont une influence sur l’ozone qui est à ces altitudes particulièrement efficace vis à vis de l’effet de serre.

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Photo d’éclair montrant à la fois, sur la gauche, un ensemble de précurseurs et sur la droite une décharge d’arc en retour beaucoup plus intense