Polluants
Propriétés optiques des aérosols

Interaction du rayonnement solaire avec les aérosols

L’onde incidente du rayonnement solaire a une certaine intensité et interagit avec la matière ‘aérosol’. Lors de cette interaction, à une longueur d’onde donnée, deux réponses de la matière sont possibles en proportion variable en fonction de la composition chimique de l’aérosol: la diffusion et l’absorption. La diffusion résulte de l’excitation des charges électriques de la particule et de leur oscillation associée. Elles irradient cette énergie dans toutes les directions sous forme d’onde électromagnétique d’intensité différente. Une partie de l’énergie d’oscillation est convertie en énergie thermique; cette fraction est appelée énergie absorbée. L’extinction est l’effet combiné de l’absorption et de la diffusion sur le rayonnement solaire incident.

Effets radiatifs

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Figure 4 : Effets directs et semi directs des aérosols

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Figure 5 : Effets indirects des aérosols

En fonction de la longueur d’onde du rayonnement incident, de la granulométrie et de la composition chimique de la population d’aérosols, de son activation en noyaux de condensation nuageuse, les propriétés d’absorption et de diffusion seront plus ou moins intenses, générant des effets radiatifs direct, semi-direct ou indirect plus ou moins importants, comme présenté sur les deux schémas. L’estimation des forçages radiatifs permet de quantifier l’impact des aérosols sur le bilan radiatif aussi bien au sein de l’atmosphère, que pour son sommet ou la surface terrestre. Par convention, un forçage radiatif de signe négatif induit un refroidissement et un forçage radiatif positif induit un réchauffement.

I Interaction du rayonnement avec les aérosols et propriétés optiques associées

Les rayonnements susceptibles d’interagir avec les aérosols atmosphériques ont deux origines bien distinctes : rayonnement solaire et rayonnement tellurique. Le spectre du rayonnement solaire couvre une gamme de longueurs d’onde très vaste depuis les courtes longueurs d’onde de type rayons X et gamma jusqu’aux très grandes longueurs d’onde de type Infra rouge lointain. Essentiellement dans les basses couches atmosphériques parviennent les Ultra violets (200 nm à 400 nm), la lumière visible (400 nm à 800 nm) et les infra rouges (800 nm à 2400 nm). Le rayonnement tellurique est un rayonnement thermique dans l’infra rouge.

L’onde incidente du rayonnement solaire a une certaine intensité et interagit avec la matière ‘aérosol’, qui elle aussi varie sur des gammes de taille allant de quelques nanomètres à plusieurs dizaines de microns. Lors de cette interaction, à une longueur d’onde donnée, deux réponses de la matière sont possibles en proportion variable en fonction de la composition chimique de l’aérosol: la diffusion et l’absorption. La diffusion résulte de l’excitation des charges électriques de la particule et de leur oscillation associée. Elles irradient cette énergie dans toutes les directions sous forme d’onde électromagnétique d’intensité différente. La distribution angulaire de l’intensité diffusée par la particule est appelée fonction de phase. D’autre part, une partie de l’énergie d’oscillation est convertie en énergie thermique; cette fraction est appelée énergie absorbée. L’extinction est l’effet combiné de l’absorption et de la diffusion sur le rayonnement solaire incident. Ainsi plus une atmosphère est concentrée en aérosols plus les interactions seront grandes et génèreront une atténuation de l’intensité du rayonnement incident. Quantifier cette extinction au travers des calculs des coefficients d’extinction, d’absorption et de diffusion est un des objectifs majeurs des théories optiques mises en œuvre. Ces théories ont des domaines d’application bien spécifiques liés au rapport de dimension entre la longueur d’onde du rayonnement λ et la taille des particules dp, leur diamètre. En effet, pour une longueur d’onde donnée l’intensité des interactions du rayonnement avec la particule peut être variable en fonction de la taille de la particule. Par exemple, la fonction de phase permet de constater que, pour une longueur d’onde donnée, le phénomène de rétro-diffusion (diffusion en sens inverse du sens du rayonnement incident) est plus important pour des particules appartenant au mode d’accumulation que pour des particules grossières. On définit donc ce rapport de dimensions comme le paramètre de taille α

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  • Lorsque α<<1 la particule est bien plus petite que la longueur d’onde du rayonnement incident (particules de diamètre inférieur à quelques dizaines de nanomètres). Le coefficient d’extinction est calculé au travers de la théorie de la diffusion de Rayleigh et est proportionnel à 1/λ4.
  • Lorsque α ≈ 1 le diamètre de la particule est du même ordre de grandeur que la longueur d’onde du rayonnement incident. La théorie permettant de quantifier les interactions est la théorie de Mie
  • Lorsque α>>1 la particule est de dimension beaucoup plus importante que la longueur d’onde du rayonnement incident. L’interaction peut alors être quantifiée au travers de la théorie de l’optique géométrique

Dans l’extinction, le phénomène d’absorption est rarement prépondérant par rapport au phénomène de diffusion, sauf composition chimique caractéristique (carbone suie très absorbant pour les longueurs d’onde visible, poussières désertiques très absorbantes pour l’infra rouge solaire ou tellurique, certains carbones organiques absorbant dans l’ultra-violet). Cette variation des propriétés d’absorption et de diffusion de la matière est rendue au travers de l’indice de réfraction n =n (λ) +ik (λ), la partie complexe retraduisant la propriété d’absorption alors que la partie réelle retraduit la propriété de diffusion de la matière. Cet indice de réfraction pour un diamètre de particule donné varie en fonction de la composition chimique de la particule et de la longueur d’onde du rayonnement incident. Le graphique ci-dessous (figure 1) présente l’évolution de la partie réelle et imaginaire de l’indice de réfraction de la fraction hydrosoluble de particules contenues dans le mode fin d’une population d’aérosols. On note que cette fraction hydrosoluble est diffusante quelque soit la longueur d’onde et voit son absorption très variable en fonction de la longueur d’onde. De même pour un composé chimique donné, à une longueur donnée, l’indice de réfraction sera variable en fonction de l’humidité relative.

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Figure 1 : variations des parties réelles et imaginaires de l’indice de réfraction d’un composé hydrosoluble en fonction de la longueur d’onde du rayonnement

On comprend alors que le coefficient d’extinction d’une population de particules dépend de la capacité de chacune des particules à diffuser et/ou absorber, donc du diamètre des particules, de l’efficacité d’extinction de chacune et de la distribution granulométrique. Il en est ainsi de même pour le coefficient d’absorption et de diffusion d’une population d’aérosols.

On définit l’albédo de simple diffusion w0d’une particule comme étant le rapport de l’efficacité de diffusion sur l’efficacité d’extinction. En théorie, ce paramètre est compris dans l’intervalle [0,1]. Comme mentionné plus haut, le phénomène de diffusion est prépondérant par rapport à l’absorption, ce qui implique que pour les aérosols atmosphériques les plus absorbants l’albédo de simple diffusion tendra vers des valeurs de l’ordre de 0.7 et pour les plus diffusants vers des valeurs unité. Afin de renseigner plus précisément les directions majeures vers lesquelles se produit le phénomène de diffusion, on définit pour une particule le paramètre d’asymétrie g. Les valeurs de g sont comprises dans l’intervalle [-1, 1]. Les significations sont les suivantes :

  • g = -1 indique que la lumière est diffusée en totalité dans la direction contraire à la direction incidente
  • g = 0 indique que la diffusion est isotrope
  • g =1 indique que la totalité de la lumière est diffusée en totalité dans la direction incidente
  • g > 0 indique que majoritairement la particule diffuse la lumière dans la direction d’incidence et inversement pour g < 0

Toutes les variables décrites jusqu’à présent sont des propriétés intrinsèques à la matière ‘aérosol’. Il existe aussi des paramètres intégrés dans l’espace rendant compte des propriétés d’extinction de masses d’air chargées en aérosol. Sur la dimension horizontale, on parle de visibilité. C’est la distance la plus éloignée à laquelle on peut percevoir un objet noir à l’horizon au travers de l’atmosphère horizontale. Ainsi plus l’atmosphère est chargée en aérosols plus faible sera la visibilité comme le montre le graphique ci-dessous (figure 2).

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Figure 2 : Variation de la visibilité selon la concentration en particules

Sur la dimension verticale, on parle d’épaisseur optique atmosphérique (AOT pour Atmospheric Optical Thickness), qui rend compte de la plus ou moins forte extinction proportionnelle à la concentration en aérosol dans la colonne atmosphérique. Les satellites dédiés à la mesure atmosphérique des aérosols rendent pour la plupart d’entre eux cette information sur la colonne atmosphérique

La figure ci-dessous (figure 3) est extraite des données satellites PARASOL à la longueur d’onde 500 nanomètres pour les périodes hivernales (moyenne Décembre, Janvier, Février) des années 2006, 2007, 2008 et 2009 (information portée en haut à droite de chacune des figures), sur le continent ouest africain. On obtient donc des informations sur l’évolution interannuelle de l’épaisseur optique atmosphérique moyenne sur la saison sèche pour le mode fin des aérosols. Plus les valeurs d’AOT sont importantes plus elles révèlent une forte concentration en aérosols fins sur la colonne atmosphérique, issus des combustions. Ainsi, au travers de ce paramètre il est possible de suivre l’évolution des sources de type feux de végétation, leur spatialisation et leur influence sur la teneur atmosphérique en aérosols.

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Figure 3 : Evolution entre les années 2006, 2007, 2008 et 2009 de la moyenne saisonnière sur les mois de Décembre, Janvier et Février de l’épaisseur optique atmosphérique sur l’Afrique de l’Ouest (données PARASOL en mode fin (diamètre des aérosols inférieur à 2.5 µm ) à 500 nm)

II Effets et forçages radiatifs

L’interaction entre les rayonnements solaires et telluriques et les aérosols n’affecte pas seulement la visibilité, mais à des échelles spatiales plus grandes la quantité d’énergie arrivant à la surface de la Terre ou sortant au sommet de l’atmosphère terrestre, et ainsi le climat. Du fait de la double action de diffusion et d’absorption des particules, on comprend que la présence d’aérosols dans l’atmosphère influence les flux radiatifs incident et sortant. La manière dont les aérosols influencent ces flux est décrite au travers des effets radiatifs et la quantification de ces effets au travers des forçages. Les propriétés d’absorption et de diffusion tendant à la fois au réchauffement et au refroidissement sont sources de difficultés quant à l’estimation et la quantification avec précision du rôle des aérosols sur le climat.

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Figure 4 : Effets directs et semi directs des aérosols

Les effets directs et semi directs concernent l’aérosol sec, c'est-à-dire non activé en noyau de condensation nuageuse. Comme le montre le schéma ci-dessus (figure 4), le flux solaire incident peut être diminué en surface jusqu’à 40 % du fait de l’extinction au sein d’une couche d’aérosol. Une partie du rayonnement incident est aussi rétro diffusée et envoie vers le sommet de l’atmosphère une quantité d’énergie non négligeable. Le flux tellurique Infra rouge peut aussi être atténué du fait de la présence d’une couche d’aérosols, diminuant ainsi le flux Infra rouge sortant de l’atmosphère. C’est ce que l’on appelle l’effet direct des aérosols. Cette atténuation est le résultat des actions de diffusion et d’absorption par les aérosols. L’absorption est la conversion d’une part de l’énergie incidente en énergie thermique, induisant un réchauffement des couches atmosphériques et une diminution de la vapeur d’eau disponible. C’est ce que l’on appelle effet semi direct, qui est un effet important pour les aérosols interstitiels (aérosol non activé intégré au sein d’une phase nuageuse), susceptibles de ce fait de générer une évaporation partielle du nuage.

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Figure 5 : Effets indirects des aérosols

Les aérosols ont également des effets radiatifs indirects du fait de leur rôle de noyau de condensation (figure 5).

    • Davantage de gouttelettes, plus petites

Pour un contenu en eau liquide donnée, l’augmentation du nombre de noyaux de condensation du fait de l’émission croissante d’aérosols fins au travers des processus de combustion provoque une augmentation du nombre de gouttes et une diminution de leur taille moyenne. Ainsi, en terme de superficie, la couverture nuageuse augmente. L’albédo du nuage (fraction réfléchie du rayonnement incident) augmente en conséquence, renvoyant vers le sommet de l’atmosphère une fraction importante du rayonnement solaire incident.

    • Plus longue durée de vie du nuage

Les gouttelettes étant de plus petite taille ont tendance à précipiter moins rapidement.Le nuage a donc une plus longue durée de vie, générant des effets plus durables dans le temps.

Ces deux effets indirects augmentent la réflexion vers l’espace du rayonnement solaire et ont un impact radiatif négatif d’un point de vue de la surface terrestre. D’un point de vue du rayonnement tellurique infra rouge, l’impact radiatif est positif pour la surface puisque une plus grande couverture nuageuse plus durable génèrera un effet de serre plus important.

A présent que les effets radiatifs sont connus, il faut pouvoir en donner une quantification, c'est-à-dire connaître en quelle proportion les aérosols perturbent le bilan énergétique naturel de la planète. Pour ce faire, les forçages radiatifs des aérosols sont calculés au travers de l’utilisation de codes de transfert radiatif. Dans la littérature, les domaines de longueur d’onde concernés sont appelés SW (Short Wave – Ultra violet et visible) et LW (Long Wave – infra rouge). Des estimations par modélisation des forçages radiatifs sont fournies dans ces domaines là. Par convention, un forçage radiatif de signe négatif induit un refroidissement et un forçage radiatif positif induit un réchauffement. Les forçages sont habituellement estimés pour l’atmosphère, mais aussi pour la surface terrestre ou le sommet de l’atmosphère. A l’heure actuelle, ces estimations à échelle globale sont entachées de grandes incertitudes liées aux incertitudes des cadastres d’émissions d’aérosols, à la prise en compte ou non par les modèles du vieillissement de l’aérosol au cours de son transport et aux schémas radiatifs utilisés. Le dernier rapport de l’IPCC (Intergovernemental Panel of Climatic Change) révèle ces incertitudes au travers de la figure présentée ci-dessous (figure 6).

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Figure 6 : estimation des forçages radiatifs du climat entre 1750 et 2005 (Rapport IPCC 2007)

Comme le montre ce graphique (figure 6), les aérosols (effet direct et effet indirect) exercent un effet de refroidissement dans leur ensemble. Dans le détail, c’est particulièrement le cas des aérosols sulfatés et des aérosols carbonés de combustion contenant une large fraction de carbone organique secondaire. Il serait alors tentant de dire que les forçages négatifs des aérosols compensent les forçages positifs des gaz à effet de serre. Cependant, ces forçages sont de dimensions spatiales différentes, du fait d’une répartition relativement homogène des gaz à effet de serre et d’une répartition très hétérogène des aérosols dans l’atmosphère planétaire. Les rétroactions des forçages radiatifs des aérosols sont à considérer plutôt sur des échelles spatiales régionales. Les forçages radiatifs des aérosols dépendent des propriétés intrinsèques de l’aérosol mais aussi de l’humidité relative de l’air ainsi que de l’albédo de surface du sol au dessus duquel est située la masse d’air. A l’heure actuelle, les recherches dans le domaine des interactions de l’aérosol avec les rayonnements solaires et telluriques sont axées vers des thématiques ayant pour objectif de réduire ces incertitudes. Notamment, des efforts sont faits sur la quantification de la diffusion des aérosols type poussières désertiques dans le LW non considérée dans bon nombre de modèles, sur l’absorption dans l’UV du carbone brun (carbone suie entouré de carbones organiques secondaires) supposé jusque là très diffusant, sur la considération des effets des aérosols interstitiels dans les phases nuageuses, etc.