Polluants
Physique des aérosols

Population d’aérosols atmosphériques

La morphologie d’un aérosol peut être très variable. Elle dépend des processus d’évolution subis depuis la zone source vers la zone de dépôt. D’un point de vue théorique, l’aérosol est décrit simplement par une sphère de rayon r. Sa taille varie de quelques nanomètres (10-9 m) à plusieurs centaines de microns (10-4 m) en fonction des sources considérées et des processus d’évolution subis. Ainsi, au sein d’un même volume d’air prélevé on pourra mesurer des aérosols de tailles différentes couvrant une plage de 5 ordres de grandeur. Ces aérosols forment une population d’aérosols mesurables par leur taille, par leur nombre, par leur surface ou leur volume ou par leur masse. Ces grandeurs sont représentés graphiquement au travers de distribution granulométrique en nombre, ou masse, ou autre sous forme de courbes log- normales. Comme le montre la figure ci-dessous, la distribution granulométrique d’une population d’aérosols mesurée en un lieu à un instant t peut être la somme de plusieurs courbes log-normales. Cette courbe est d’allure tri-modale (formée de trois modes): un mode dit ‘grossier’ représentant les aérosols de diamètre supérieur ou égal à 1 μm, un mode dit ‘d’accumulation’ (diamètre des aérosols compris entre 0.08 μm et 1 μm) et un mode de nucléation (diamètre des aérosols inférieurs à 0.08 μm).

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Figure 5 : Terminologie pour une population d’aérosols et processus régissant l’évolution d’une population d’aérosols.

Processus d’évolution d’une population d’aérosols

Entre deux instants successifs, la population d’aérosols évolue: des aérosols se transforment, des aérosols sont créés et d’autres sont évacués de l’atmosphère.

  • Processus générant de nouveaux aérosols: émission d’aérosols primaires par les sources de combustion, création d’aérosol secondaire par refroidissement des gaz ‘chauds’ (processus de nucléation), production mécanique d’aérosols par action du vent (poussières terrigènes et sels marins) ou par activité volcanique (particules volcaniques, cendres)
  • Processus transformant des aérosols existant au sein de la population: l’adsorption permet à des molécules de gaz non condensées de rester accrochées à la surface de l’aérosol sous l’effet des forces de Van der Vaals (le processus réversible est la désorption);la coagulation permet que plusieurs aérosols se collent les uns aux autres grâce à des chocs sous l’effet de l’agitation turbulente régnant au sein de la population; la condensation de gaz sur la surface d’aérosols existants permet à ces derniers de croître en taille (le processus réversible est l’évaporation); ces deux derniers processus sont très efficaces pour les particules de petite taille (quelques centaines de nanomètres) ce qui résulte en une accumulation d’aérosols autour de certains diamètres donnant le nom au mode au sein duquel cela se produit
  • Processus permettant d’évacuer des aérosols de l’atmosphère: les processus de dépôt. Si les conditions thermodynamiques sont favorables, à force de croissance par processus de condensation de vapeur d’eau, l’aérosol peut devenir noyau de condensation nuageuse et être intégré à la phase nuage. Il sera ainsi évacué de l’atmosphère sous forme de dépôt humide: les précipitations. Le dépôt sec s’effectue au travers du phénomène de sédimentation pour les aérosols du mode grossier et par diffusion pour les aérosols ultra-fins.

Mécanismes de transfert

Quel que soit le milieu dans lequel évolue l’aérosol (caractéristique du fluide porteur) , quelles que soient ses grandeurs caractéristiques (diamètre, mobilité électrique ...) et quels que soient les obstacles sur lesquels il va être amené à se déposer (arbre respiratoire, conduit de prélèvement, filtres, végétaux ...), les vitesses de déplacement sont caractérisées par une courbe en ‘V’. La diffusion et la sédimentation sont les mécanismes les plus efficaces mais ne suffisent pas à eux seuls à expliquer les déplacements longue distance des populations d’aérosols

I Population d’aérosols atmosphériques

Un aérosol considéré de façon individuelle au sein d’une population peut prendre des formes, des structures et des tailles très variables. Cette variabilité dépend de l’origine de l’aérosol (source) et des transformations chimiques, physiques et thermodynamiques subies au cours du transport, depuis les zones sources vers les zones de dépôt. Les différentes images obtenues par analyse MEAB (Microscope Electronique Analytique à Balayage) d’échantillon montrent la diversité de formes et de tailles des aérosols (figure 1).

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Figure 1 : Aérosols de forme et de taille différentes : Aérosol issu de source industrielle ayant vieilli au cours du transport (figure gauche) – Aérosol issu de sources de combustion de forme plus sphérique (figure droite)- imagerie MEAB LMTG/OMP

Ainsi au sein d’une population d’aérosol prélevée dans une masse d’air coexistent particules de différentes formes et de différentes tailles. D’un point de vue théorique, il est courant de considérer que l’aérosol prend une forme sphérique. Il peut ainsi être décrit par un seul paramètre, son rayon (ou diamètre). Ce concept étant quelque peu réducteur, vues les formes possibles des aérosols, certains modèles atmosphériques s’appuient sur des descriptions fractales* des aérosols. Dans la suite de ce document, il sera fait référence à un aérosol supposé sphérique.
La gamme de taille des aérosols atmosphériques varie de quelques nanomètres à quelques centaines de micromètres. Elle couvre donc 5 ordres de grandeur. De même, en terme de concentrations massiques (masse d’aérosol par unité de volume d’air) l’aérosol atmosphérique peut couvrir une large gamme, comme le montre la figure ci-dessous (figure 2). Ainsi, en terme de description physique des phénomènes régissant les processus d’évolution des aérosols et leurs mécanismes de transfert, les plus grosses particules faisant partie du domaine continu seront décrites par les lois de la physique générale, tandis que les plus fines, faisant partie du domaine moléculaire obéiront aux lois de la théorie cinétique des gaz. Pour les particules de taille intermédiaire, les phénomènes seront décrits par l’une ou l’autre des théories tendant vers leurs limites respectives.

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Figure 2 : Gammes de taille et de concentrations massiques couvertes par l’aérosol atmosphérique.

La plupart des appareils de mesure de type compteur de particules, échantillonnant des volumes d’air, donc des populations d’aérosol, afin d’en connaître la distribution granulométrique, fournit un compte d’aérosols intervalle de taille par intervalle de taille (appelé ‘bin’). Ainsi on obtient une distribution granulométrique discrétisée de la population d’aérosols. Si l’amplitude de ces intervalles diminue et que ces intervalles deviennent plus nombreux, la courbe initialement en histogrammes tend à devenir continue. Cette courbe expérimentale peut être par approximation mise en équation sous forme de loi log-normale ou de somme de lois log-normales, qui sont des fonctions de densité de probabilité. Ainsi la distribution granulométrique représente la variation de la probabilité qu’a une particule, prise au hasard dans la population totale d’aérosol d’avoir un diamètre compris dans un intervalle de largeur dlndp , entre lndp et lndp + dlndp. L’équation de la loi log-normale est donnée ci-dessous.

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Avec dpg diamètre géométrique de la distribution, σg écart-type de la distribution, N Nombre de particules par unité de volume. Ainsi, il est possible de décrire une population d’aérosols au travers de cette équation dépendant seulement de trois variables. Comme le montre l’exemple ci-après, il est possible de décomposer une distribution granulométrique d’aérosols en autant de log-normales que nécessaires. Chaque log-normale constitue souvent un mode.

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Figure 3 : Distribution granulométrique en masse du carbone organique (OC) : expérimentale (points oranges), approximation théorique par la somme de trois lois log-normales (courbes colorées traits pleins)

L’information sur une population d’aérosols peut être fournie en nombre, en surface, en volume ou en masse. Les aérosols étant supposés sphériques, il est possible de passer aisément d’une distribution à l’autre. Si la distribution en nombre obéit à une loi log-normale alors les distributions en surface, volume et masse qui en découlent seront aussi des lois log-normales.
Les populations d’aérosols atmosphériques sont souvent représentées par des courbes tri-modales (formées de trois modes – figure 3)). L’existence, le positionnement et la prépondérance de ces modes dépend des sources influentes et du vieillissement chimique et microphysique des aérosols. Il est établi que le mode dit ‘grossier’ représente les aérosols de diamètre supérieur ou égal à 2.5 μm, le mode dit ‘d’accumulation’ représente les aérosols de diamètre compris entre 0.08 μm et 2.5 μm et le mode de nucléation les aérosols de diamètre inférieur à 0.08 μm. Les modes d’accumulation et de nucléation représentent la fraction fine de l’aérosol. Tous ces termes sont repris et résumés dans la figure illustrant le prochain paragraphe (figure 5). Entre deux instants successifs de mesure, la population d’aérosols échantillonnée dans l’air ambiant évolue au travers de processus thermodynamiques et chimiques. Nous allons à présent décrire ces processus d’évolution au sein d’une population.

II Processus d’évolution d’une population d’aérosols

Les notions d’évolution d’une population d’aérosols reposent sur le fait qu’entre deux instants où un même volume d’air est prélevé les modes de la distribution granulométrique auront changé de paramètres, révélant ainsi une augmentation du nombre d’aérosols ou une diminution, un accroissement du diamètre de certaines particules ou au contraire une diminution.
Processus faisant évoluer le nombre d’aérosols dans une population d’aérosols :

  • La production mécanique : cet apport de nouveaux aérosols au sein de la population concerne les aérosols de type grossier (>2.5 μm) et résulte de l’action du vent sur les surfaces continentales et maritimes. Les aérosols marins ont des diamètres compris entre 2μm et 4 μm ; l’action du vent se retraduit par l’existence d’une houle qui génère un déferlement des vagues. Dans la couche de surface océanique, les gouttes éclatent libérant ainsi de fines gouttelettes qui sont mises en suspension dans l’atmosphère du fait de la turbulence dynamique y régnant. Les aérosols terrigènes ont des diamètres compris entre 4 μm et 8 μm ; lorsque le vent dépasse une vitesse seuil, il met en mouvement sur le sol des fragments de croûte terrestre (phase de saltation). Certains de ces fragments du fait de cette action mécanique éclatent au contact avec le sol (phase de sandblasting) et libèrent des particules de taille plus petite. Ces dernières, sous l’effet de la turbulence dynamique dans la couche de surface atmosphérique, peuvent être mises en suspension dans l’atmosphère. Les graphiques ci-dessous résument ces propos (figure 4).

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Figure 4 : Processus de production mécanique des aérosols

  • La nucléation : cet apport de nouveaux aérosols au sein de la population concerne les aérosols de type fin au sein du mode du même nom. Par définition, la nucléation est la transformation d’une phase α (gaz par exemple) vers une phase β (solide ou liquide) lors de laquelle il y a apparition de « petits noyaux » de β dans α. Il existe différents types de nucléation : la nucléation homogène (une seule phase) homo-moléculaire (une seule espèce chimique), la nucléation homogène (une seule phase) hétéro-moléculaire (plusieurs espèces chimiques), et la nucléation hétérogène (différentes phases). Seule les nucléations homogènes génèrent un aérosol nouveau pour la population d’aérosols. La nucléation hétérogène ne fait que transformer un aérosol déjà existant. Nous parlerons dans ce paragraphe que de la nucléation homogène. Ainsi nous nous intéressons donc au changement de phase de molécules de gaz vers une phase liquide ou solide. Ce changement de phase ne peut avoir lieu que sous des conditions thermodynamiques spécifiques, de sorte que la pression partielle du gaz soit nettement supérieure à la pression partielle à saturation à la température donnée. On dit que le gaz doit être en sursaturation (S>1 avec S=P/Psat(T)). Lorsque S=1, certaines molécules au sein du volume de gaz condensent (monomères) et du fait de l’agitation moléculaire régnant se ‘collent’ à d’autres molécules condensées formant ainsi des embryons (2 à 4 molécules). Ce nombre d’embryons reste constant et les monomères sont bien plus nombreux, conférant un caractère instable aux embryons, qui s’évaporent pour tendre vers un état plus stable. Lorsque S>1, les monomères deviennent en excès, et contribuent donc à former énormément d’embryons et à faire évoluer leur taille. Ainsi les embryons formés dépassent une taille critique au-delà de laquelle la phase liquide ou solide devient une phase stable. Les noyaux ainsi créés ont des tailles de l’ordre de quelques nanomètres. La mise en équation de tels processus est abordée au travers de la thermodynamique. Même si la taille de ces aérosols est nanométrique, il est essentiel de les étudier car ils peuvent être générés en très grand nombre et tendent à évoluer très rapidement vers des tailles plus importantes au travers des processus de coagulation et condensation. En atmosphère naturelle, il est relativement difficile de mettre en évidence au travers de la mesure ce processus. En effet, les vitesses de nucléation sont grandes et les noyaux ainsi formés se transforment rapidement. Le processus de nucléation homogène hétéro- moléculaire semble plus réaliste en atmosphère naturelle.
  • La coagulation : par définition, la coagulation est l’adhésion d’une particule avec une ou plusieurs autres. Cela contribue donc à faire diminuer le nombre de particules au sein de la population puisque avec plusieurs particules il en est formé une seule de plus grande taille. Par contre, la distribution en surface de la population d’aérosols tend à augmenter. L’adhésion de particules entre elles est le résultat de chocs qui ne peuvent avoir lieu que s’il règne une certaine agitation au sein du volume contenant ces particules. Ainsi, l’agitation peut être d’origine thermique (mouvement brownien), d’origine dynamique (turbulence) ou d’origine cinématique (action d’un champ extérieur). Ces agitations sont d’autant plus facilement mises en œuvre que les particules sont de petites tailles. La coagulation a lieu principalement lorsque la concentration de particule est élevée et lorsque les particules sont de petite taille (dizaines de nm). Les temps caractéristiques de la coagulation pour des particules nanométriques sont inférieurs à la seconde pour des concentrations de particules rencontrées en milieu urbain. Pour des particules de quelques centaines de nanomètres, ce processus est beaucoup moins efficace du fait de la différence de taille et de volume entre les particules nanométriques et les particules de quelques centaines de nanomètres. Il sera en effet très difficile de faire varier, de manière significative, la dimension d’une particule de 300 nm coagulation de nanoparticules en raison de leur différence de volume.
  • Les dépôts secs et humides : ces processus permettent de diminuer le nombre d’aérosols au sein d’une population. Ce sont les processus de puits atmosphériques pour l’aérosol. Le dépôt sec dans l’atmosphère se décline sous deux formes : la sédimentation (action de la gravité) très efficace sur les plus grosses particules et la diffusion (flux de particules induit par une différence de concentrations) très efficace pour les particules de très petite taille. Le dépôt humide quant à lui se décline sous trois formes : les précipitations (particules de taille moyenne activées ayant servi de noyau de condensation), l’incorporation par impaction dans la phase liquide des nuages de particules de taille moyenne non activée et le lessivage de particules sous le nuage.

Processus faisant évoluer la taille et la composition chimique des aérosols dans une population d’aérosols :

  • La condensation : ce processus est réversible (l’évaporation) et a déjà été abordé en terme de nucléation hétérogène. En effet, la condensation est la nucléation d’un gaz sur un support solide ou liquide déjà existant. Cette dernière se déroule pour des conditions thermodynamiques identiques à la nucléation homogène et met en jeu des énergies supplémentaires (tensions superficielles liquide-solide, liquide-gaz, solide-gaz) ainsi que les angle de mouillage et rayon de courbure en surface de la particule. Cette nucléation est spontanée pour une sursaturation S donnée si le rayon de la particule dépasse un rayon critique. La condensation est souvent simultanée au phénomène de coagulation. Cependant, ce processus permet le grossissement de la population sans diminution du nombre. Il est possible de connaître le taux de molécules de gaz condensant à la surface d’une particule ; ce taux est proportionnel au diamètre de la particule existante, au coefficient de diffusion du gaz ainsi qu’au nombre de molécules de gaz présentes en surface de la particule dépendant des conditions thermodynamiques. En atmosphère naturelle la présence de particules préexistantes implique que les gaz condensent préférentiellement sur ces particules plutôt que de nucléer sur eux-mêmes. En atmosphère plus propre, le processus de nucléation homogène est plus probable. Pour ce qui concerne un des gaz majoritaire de la troposphère, la vapeur d’eau, la quantité d’eau condensée en surface de l’aérosol est proportionnelle à l’humidité relative ambiante. L’aérosol sert ainsi de support à la condensation de l’eau et est appelé noyau de condensation (ou CCN Cloud Condensation Nuclei). Pour des conditions thermodynamiques permettant un état de sursaturation de la vapeur d’eau, des gouttelettes de nuage se forment et grossissent tant que l’humidité relative est suffisante ; l’aérosol a ainsi subi un processus d’activation. Pour une sursaturation donnée, le diamètre d’une gouttelette dépend de la taille et de la composition chimique de l’aérosol sec d’origine. Plus l’aérosol est constitué de composés hydrosolubles, de type composés inorganiques (sulfates, nitrates, ammonium, sodium) et organiques (plus rares) plus son activation sera facile. De même à composition chimique égale, l’activation sera plus facile sur des composés de grande taille. Cependant, l’activation des grosses particules nécessite une quantité de vapeur d’eau disponible trop importante. C’est pourquoi les aérosols activés préférentiellement appartiennent au mode d’accumulation d’une population d’aérosols. Les aérosols non activés au sein d’un nuage sont appelés aérosols interstitiels, car localisés entre les gouttelettes de nuage. Au sein d’un nuage lorsque l’humidité relative diminue, l’eau s’évapore, rendant ainsi un aérosol sec dont la composition chimique a pu évoluer au cours de sa phase CCN par le biais de réactions chimiques en phase aqueuse.
  • L’adsorption et la désorption : l’adsorption est un phénomène de surface par lequel des molécules de gaz ou de liquides se fixent sur les surfaces solides adsorbantes. Le phénomène inverse, par lequel les molécules adsorbées sur une surface s'en détachent, notamment sous l'action de l‘élévation de la température, ou de la baisse de pression, se nomme la désorption. L'adsorption physique ou physisorption met en jeu des liaisons faibles, du type forces de Van der Waals, analogues à celles qui sont impliquées lors d’une liquéfaction. Elle se produit bien avant que le gaz n’atteigne une pression égale à sa pression de vapeur saturante. L‘équilibre est obtenu lorsque les vitesses d‘évaporation et de condensation sont égales. Le processus d’adsorption/désorption se produit donc simultanément aux processus de nucléation hétérogène ou de condensation dans des conditions de température et de pression bien spécifique. Le phénomène d’adsorption transforme la distribution surfacique des particules et non le nombre.

Il résulte de ces processus physiques un phénomène extrêmement important pour l’aérosol atmosphérique : les particules tendront à s’accumuler autour de certains diamètres que ni les processus de condensation, ni ceux de coagulation, ni, nous l’avons vu, la sédimentation, ne pourront modifier. Ces particules, dont le diamètre est compris entre 150 et 800 nm, sont dites « particules d’accumulation ». A l’inverse, le mode très éphémère des particules formées par nucléation homogène sera appelé « mode de nucléation ou de particules ultrafines ». Typiquement, la dimension des particules dans ce mode sera inférieure à 15 nm. La présence de ce mode de particules n’est pas systématique puisqu’il dépend du temps écoulé entre l’épisode de nucléation et son échantillonnage. La figure ci-dessous (figure 5) résume la terminologie d’une population d’aérosols et tous les processus qui régissent son évolution.

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Figure 5 : Terminologie pour une population d’aérosols et processus régissant l’évolution d’une population d’aérosols.

III Mécanismes de transfert

Lorsque l’on s’intéresse à la dynamique d’une population d’aérosols, il faut garder à l’esprit que la physique des aérosols est conditionnée par les dimensions des particules et les dimensions du fluide dans lequel elles sont plongées , en l’occurrence l’air atmosphérique et ses constituants. Les dimensions caractéristiques de chacun sont comparées au sein du rapport de Knudsen, Kn. Dp est le diamètre de la particule et λg est le libre parcours moyen des molécules de gaz (dépendant de la pression et de la température du fluide vecteur)

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Lorsque Kn<<1, le fluide porteur peut être considéré comme homogène par rapport à la dimension de la particule ; les mouvements pourront être décrits par la théorie classique. Lorsque Kn >>1, les dimensions des particules sont inférieures aux dimensions du fluide, ce dernier apparaissant comme un milieu hétérogène ; les mouvements pourront être décrits au travers de la théorie cinétique des gaz.
Les mécanismes élémentaires de transfert sont liés au comportement de l’aérosol. On trouve les mécanismes liés à la diffusion, aux effets d’inertie de la particule dans le fluide ou aux effets de l’action d’un champ extérieur. La figure ci-dessous résume ces mécanismes (figure 6).

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Figure 6 : Mécanismes élémentaires de transfert

Nous ne nous intéressons par la suite qu’à la description des mécanismes de diffusion et de sédimentation.

  • Diffusion : Nous nous situons dans le domaine moléculaire avec Kn >>1 et il est fait appel à la théorie cinétique des gaz pour décrire ce mécanisme. Les fines particules subissent des déplacements erratiques résultant de l’agitation moléculaire intense. On définit le coefficient de diffusion Di, qui traduit l’aptitude des particules à se mouvoir sous l’effet de la diffusion. Son expression est le produit de la constante de Boltzman kB par le coefficient de mobilité dynamique B et la température T. B est le rapport entre la capacité des particules à se mouvoir dans le fluide (Vp vitesse de la particule) et la capacité du fluide à limiter ces mouvements (force de trainée). Bétant inversement proportionnel au diamètre de la particule, on comprend donc que le coefficient de diffusion sera d’autant plus faible que les particules seront de grande taille. Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous, si l’on calcule le déplacement quadratique moyen Z par diffusion pour un temps d’une seconde, pour différents diamètres de particules, les déplacements les plus grands seront effectués par les particules les plus petites. Les déplacements effectués par diffusion sont au maximum de quelques millimètres, ce qui n’explique en rien les déplacements grande échelle des populations d’aérosol. Cependant, il faut remarquer que ces déplacements de quelques millimètres sont d’un ordre de grandeur d’un million de fois plus grands que la dimension des particules concernées.
Dp (µm) Di (m2s-1) Z pour 1 s (m)
0.001 5.14*10-6 3.2*10-3
0.01 5.24*10-8 3.23*10-4
0.1 6.75*10-10 3.67*10-5
1 2.77*10-11 7.44*10-5
10 2.38*10-12 2.18*10-6
  • Sédimentation : L’application de champ extérieur comme la gravité, un champ électrique ou un gradient de température sur une particule peut générer un phénomène de dépôt. La sédimentation est le résultat de l’effet du champ de gravité sur une particule dans l’atmosphère. Nous nous plaçons à présent dans le domaine continu où Kn<<1. Le fluide considéré comme un milieu continu, exerce une force de traînée sur la particule qui se déplace à une vitesse V. Pour une viscosité du fluide donnée, cette force de traînée est d’autant plus importante que le diamètre de la particule est grand ou que sa vitesse est grande. La particule subit au sein du fluide une force de pesanteur résultant de la gravité et de la poussée d’Archimède. A l’équilibre, dans un écoulement laminaire, la particule atteint une vitesse limite de chute, appelée vitesse de sédimentation. Elle est proportionnelle au carré du diamètre de la particule et inversement proportionnelle à la viscosité du fluide porteur. Ces vitesses de sédimentation sont de l’ordre de quelques millimètres par seconde pour des particules de quelques dizaines de microns de diamètre, et de quelques microns par seconde pour des particules de quelques dixièmes de microns de diamètre. On comprend ainsi que le temps de résidence dans l’atmosphère des très grosses particules est très court, et celui des très fines particules est très grand. Le processus de sédimentation est donc un mécanisme de transfert secondaire pour les particules submicroniques.

Quel que soit le milieu dans lequel évolue l’aérosol (caractéristique du fluide porteur), quelles que soient ses grandeurs caractéristiques (diamètre, mobilité électrique ...) et quels que soient les obstacles sur lesquels il va être amené à se déposer (arbre respiratoire, conduit de prélèvement, filtres, végétaux ...), ses vitesses de déplacement peuvent être caractérisées par une courbe en ‘V’, où selon la gamme de taille considérée certains mécanismes seront plus efficaces que d’autres. La figure ci-dessous résume ces propos (figure 7).

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Figure 7 : la courbe en V

Ainsi à la fois des particules de diamètre 10 microns ou des particules de diamètre nanométrique subiront un déplacement de 3 millimètres par seconde au sein d’une population d’aérosol dans l’atmosphère, sous l’effet respectivement de la sédimentation et de la diffusion.