Compléments
Mesures in situ : gaz

[PAS DE FICHE RESUMEE]

I Introduction

Les applications nécessitant des mesures in situ de composés atmosphériques sont diverses. La surveillance de la qualité de l’air est une priorité pour évaluer et réduire les risques liés à la toxicité des polluants atmosphériques. Les industries doivent mettre en place des mesures pour contrôler leurs émissions. De plus, des indicateurs sont développés sur la base de mesures de certains composés dans des environnements représentatifs de la pollution (trafic, urbain, périurbain, rural). Les caractéristiques de ces mesures sont leur fiabilité, la continuité dans le temps, mais également avec un souci de pouvoir comparer les données entre stations, donc la mise en place de protocoles de mesure et de calibration des instruments identiques pour l’ensemble du réseau national, voire européen ou international. Pour la recherche, des instrumentations plus spécifiques, plus sensibles et/ou présentant une plus grande résolution temporelle ont été développées. Ces instrumentations nécessitent en général un personnel qualifié et une fréquence d’intervention importante qui limitent leur utilisation à des campagnes de mesure de quelques semaines. Les mesures des composés gazeux atmosphériques peuvent être scindées en 2 groupes : les mesures directes et les mesures avec prélèvement. Les premières sont basées sur des techniques spectroscopiques réalisées directement dans l’air par télédétection (cf. fiche C3). Les méthodes avec prélèvement doivent permettre de conserver l’intégrité de l’échantillon jusqu’à l’instrument de mesure proprement dit. Les méthodes spectroscopiques sont privilégiées pour les mesures atmosphériques car elles présentent une grande spécificité, une bonne sensibilité et une stabilité des mesures dans le temps, moyennant des protocoles adaptés de maintenance et calibration.

II Les techniques de prélèvement et de piégeage

Lorsque les mesures directes (par télédétection) ne sont pas utilisables, les techniques de prélèvement sont indispensables. Elles permettent d’acheminer l’échantillon d’air à analyser vers le système analytique tout en conservant son intégrité. Les techniques de prélèvement comprennent une ligne d’échantillonnage avec laquelle les composés d’intérêt n’auront pas d’interaction. Cette ligne est reliée directement à un analyseur ou à un système de piégeage. Le système de pompage de l’échantillon est placé en fin de circuit pour éviter les interactions avant analyse. Les analyseurs utilisent largement les techniques spectroscopiques (fiches C1 et C2-III). Le piégeage conduit à un volume fixe (canisters) ou non (sacs de prélèvement souples) de gaz prélevé ou à la circulation d’un volume donné d’échantillon sur un piège où les composés d’intérêt sont fixés. La technique de piégeage dépend de la réactivité du composé avec une phase solide ou une phase liquide : piégeage par adsorption ou par absorption. Les mesures par piégeage des composés atmosphériques constituent les mesures discontinues ou semi-continues car elles nécessitent une intégration dans le temps de l’échantillonnage. La quantité piégée est dépendante du volume d’air échantillonné et de l’efficacité de stockage et la capacité de restitution du support et de la sensibilité du système analytique. L’utilisation de 2 systèmes de piégeage identiques en série permet de déterminer leur efficacité de piégeage. La capacité de restitution des composés dépend, outre le support, du type d’extraction (par solvant, température) appliqué.

II.1 Lignes d’échantillonnage

Pour les prélèvements atmosphériques, les lignes d’échantillonnage doivent présenter la plus grande inertie possible. En effet, la réactivité chimique des composés peut entraîner leur destruction sur les parois du système de prélèvement. Pour limiter voire éviter toute destruction, le prélèvement doit être relativement rapide et le tuyau de prélèvement en matériau inerte. Le Téflon, le PTFE ou le PFA sont les matériaux privilégiés pour la plupart des composés gazeux. L’inox 316 est également utilisé avec éventuellement un traitement électrolytique pour améliorer son inertie. La longueur de la ligne d’échantillonnage doit être limitée, mais les instruments de mesure doivent être placés dans un local thermostaté pour une meilleure stabilité. Un compromis doit donc être pris entre longueur de tuyau et accès au local ; une longueur maximale de 3 mètres est en général choisie. Le prélèvement de certains composés très réactifs nécessite parfois des lignes limitées à l’entrée de l’analyseur. Les instruments doivent également être protégés de l’entrée de particules dans leur système, voire de gouttelettes d’eau. Pour cela la ligne d’échantillonnage est recourbée vers le bas et est terminée par un « entonnoir » pour protéger son entrée.

II.2 Piégeage gaz/liquide : barboteurs, nébuliseurs, tubes à diffusion

Ces techniques de prélèvement utilisent un solvant aqueux ou organique avec lequel les composés d’intérêt sont mis en contact. Le principe de piégeage est basé sur la solubilité des composés (étape d’absorption) qui peut être suivie d’une étape de réaction chimique qui va fixer le composé dans la phase liquide et éviter son évaporation ultérieure. Cette étape spécifique produit en général un complexe qui permet la détection par une méthode spectroscopique. La phase liquide peut être fixe (barboteur, nébuliseur) ou mobile (tube à diffusion). Dans le 1er cas, l’évaporation potentielle du solvant limite le temps de prélèvement à quelques heures malgré l’utilisation de filtre non hygroscopique. Dans le 2ème cas, le volume de solution prélevé est limité par la sensibilité de l’analyse ultérieure. Le prélèvement peut être séquencé par l’introduction de la solution dans des flacons pour analyse ultérieure ou une injection dans un système analytique de type HPLC (cf. fiche C1). Ce type de méthode est avantageux car il est simple à mettre en œuvre et il est possible de trouver des réactifs chimiques adaptés à une mesure sensible et spécifique du composé d’intérêt. Le besoin de solvant sur le terrain le rend par contre coûteux en temps et en main d’œuvre, il est donc limité à des mesures ponctuelles et tend à être remplacé par des mesures automatiques. Cette technique a été utilisée pour la mesure de NO2 (méthode de West and Gaeke), la mesure de SO2 (méthode de l’acidité forte) ou pour la mesure des aldéhydes (méthode de la DNPH/HPLC). Des applications récentes pour la mesure de HNO2 et HNO3 ont été développées pour la recherche.

II.3 Piégeage gaz/solide : échantillonneurs passifs, cartouches, filtres, filtres imprégnés

Certains composés sont piégés sur un support par adsorption (lien physique) ou par réaction chimique avec un réactif déposé sur le support. Le piégeage a lieu par circulation forcée de l’air dans un circuit (filtre, filtre imprégné, cartouche) ou par diffusion à travers le support (échantillonneur passif). Ces techniques sont largement utilisées pour caractériser un site sur le long terme car elles sont relativement peu coûteuses et simples à mettre en œuvre. La technique de l’échantillonneur passif est encore plus pratique car elle ne nécessite pas d’alimentation électrique, l’air circulant par diffusion et non par pompage ; ceci implique par contre des prélèvements de longue durée (plusieurs semaines). L’analyse ultérieure est réalisée au laboratoire après extraction dans un solvant adéquat pour les filtres imprégnés et les tubes à diffusion.
Les cartouches de prélèvement fonctionnent par circulation du gaz à échantillonner à travers un tube contenant le support adsorbant. Celui-ci est choisi en fonction de l’affinité du (des) composé(s) et de la capacité de récupération des espèces d’intérêt. Les cartouches peuvent être mono-phase ou multi- phase ; celles-ci sont caractérisées par leur porosité, leur surface de piégeage le volume de perçage, l’efficacité de piégeage et de récupération. Les cartouches sont principalement utilisées pour le prélèvement de composés organiques volatils, analysés par HPLC ou CPG (fiche C1). Dans ce dernier cas, la récupération des composés est réalisée par chauffage (thermo-désorption) de chaque cartouche au niveau de l’injecteur du système. Une étape de pré-concentration avant injection est souvent ajoutée pour obtenir une injection rapide dans l’analyseur.

II.4 Piégeage dans contenants (sacs, canisters)

Certaines applications nécessitent le prélèvement des échantillons dans des contenants souples. Leur volume est variable et ils sont utilisés à pression atmosphérique. La propriété principale de ces sacs de prélèvement est leur inertie par rapport aux composés prélevés et la durée du stockage ; le Tedlar ou le PTFE sont les principaux matériaux utilisés.
D’autres prélèvements sont réalisés dans des contenants rigides. Ils sont donc d’un volume fixe et la pression interne est variable. Pour des échantillons de faible volume, des flacons en verre sertis par une capsule inerte sont couramment utilisés (50 à 250 mL). Les échantillons plus importants sont en général prélevés dans des canisters en acier inoxydable. Le prélèvement nécessite une étape préalable de mise sous vide, puis le remplissage est effectué avec éventuellement mise sous pression de l’échantillon pour les canisters. Les échantillons prélevés et/ou piégés sont ensuite analysés au laboratoire par les techniques (CPG, HPLC, SM, ...) dont les principes sont présentés en fiche C1 (Techniques de mesure).

III Les techniques de mesure in situ

De nombreuses méthodes de mesure des composés gazeux atmosphériques ont été développées. Ici, sont reportés les principes de fonctionnement des instrumentations automatiques les plus couramment utilisées pour les principaux polluants, dans les stations de surveillance de la qualité de l’air, en milieu industriel, mais aussi pour certaines applications de recherche. Ils sont principalement basés sur des mesures spectroscopiques par absorption, fluorescence, ou chimie luminescence.

III.1 Mesure de l’ozone : absorption UV

La mesure de l’ozone est basée sur de l’absorption UV décrite fiche C1. L’ozone présente une bande d’absorption intense dont le maximum est à 253,7 nm. L’instrumentation est constituée d’une cellule de mesure (figure 1), la source de rayonnement est une lampe à vapeur de mercure qui présente une raie d’émission à 252 nm. L’échantillon d’air est aspiré dans la cellule par une pompe régulée en débit. Le détecteur est soit une photodiode sensible à la longueur d’onde de la lampe, soit un photomultiplicateur. La mesure continue de la température et la pression dans la cellule permet de corriger le signal enregistré.

C2_Mesures in situ_gaz_1

Figure 1 : Schéma de principe de la mesure de l’ozone par absorption UV.

Une mesure sur le long terme est obtenue en utilisant une instrumentation avec 2 cellules en parallèle, la deuxième étant équipée d’un filtre destructeur d’ozone. La mesure alternée sur les 2 cellules permet d’éliminer (i) une dérive éventuelle du zéro de l’instrumentation, (ii) le signal lié à la présence d’interférents.

III.2 Mesure des oxydes d’azote : chimioluminescence

La mesure des oxydes d’azote (NO, NO2) est réalisée par chimie luminescence à l’ozone (fiche C1). La réaction chimique impliquée en phase gazeuse est : NO + O3 => NO2* + O2. Le dioxyde d’azote excité émet un photon caractéristique détecté par un photomultiplicateur. L’instrumentation (figure 2) comprend une cellule de mesure alimentée en continu par un générateur d’ozone d’une part et d’autre part par l’échantillon d’air filtré. Celui-ci passe alternativement par le canal NO (mesure du NO) et par le canal NOx, comprenant un convertisseur de NO2 en NO (le signal correspond alors à NO + NO2).

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Figure 2 : schéma de principe d’un analyseur d’oxydes d’azote

Le détecteur est équipé d’un filtre à 600 nm pour sélectionner une plage de longueurs d’onde spécifique de la luminescence de NO2. Le domaine d’application dépend du type de convertisseur (au molybdène ou photolytique) par sa spécificité de conversion et la proportion relative des différents composés présents. La mesure sur un cycle complet est NO puis NOx, d’où on déduit NO2. Un filtre d’ozone au charbon actif est placé sur l’évacuation de l’air pour éliminer l’ozone excédentaire.

III.3 Mesure du CO : absorption IR non dispersive (NDIR)

La mesure de CO est réalisée par absorption infrarouge, par la méthode des corrélations par filtre gazeux (fiche C1). L’échantillon d’air traverse une cellule de mesure équipée de 2 fenêtres avec des filtres optiques. Le faisceau lumineux de l’émetteur IR est dirigé sur la roue de corrélation, puis traverse un filtre optique, la cellule, le second filtre optique et atteint le détecteur IR. La roue de corrélation est constituée (i) d’une zone noire pour déduire le zéro de l’instrument, (ii) d’une cellule contenant du CO haute concentration, pour éliminer tout rayonnement que ce composé peut absorber et déduire l’absorbance des autres composés, (iii) d’une cellule contenant de l’azote pour déterminer la transparence du système et faire la mesure proprement dite. La roue de corrélation tourne à très haute vitesse et permet une mesure instantanée de CO, le signal enregistré étant relié à la position de la roue et traité par un microprocesseur.

III.4 Mesure su SO2 : fluorescence UV

Le SO2 est principalement mesuré par fluorescence UV présentée en fiche C1. L’échantillon d’air filtré (figure 3) est traité pour éliminer H2S et des hydrocarbures pouvant interférer. Il entre ensuite dans la cellule de mesure où il est soumis à un rayonnement UV entre 200 et 220 nm, les molécules de SO2 présentes passent dans un état excité et se désexcitent pour repasser à l’état fondamental par (i) transition roto-vibrationnelle SO2* => SO2 + h␣    1 + h␣    2 (avec h␣    1 = 300 nm et h␣    2 = 600 nm), (ii) par transfert d’énergie par collision : SO2* + M => SO2 + M + h␣ 3 (avec h␣ 3 = 214 nm), (iii) par d’autres processus sans émission de rayonnement.

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Figure 3 : Schéma de principe de la mesure automatique de SO 2.

La mesure du rayonnement de fluorescence est réalisée à 90° du rayonnement incident. Différentes instrumentations basées sur ce principe existent et sont spécifiques de l’application cherchée (milieu industriel, surveillance de la qualité de l’air) afin en particulier de respecter la linéarité de l’appareil sur la plage de concentrations à mesurer.