Polluants
Chimie des aérosols

A quoi ça sert ?

Connaître la composition chimique des aérosols atmosphériques permet de cibler non seulement quelles ont été les sources influentes à l’origine de ces aérosols mais aussi quels ont été les processus de vieillissement chimique subi au cours du transport. De plus, la composition chimique étant supposée connue en détail, il est alors possible de déterminer avec plus de précisions l’indice de réfraction de ce mélange et ainsi les propriétés optiques associées. Cette spéciation chimique des aérosols n’est possible qu’au travers de différentes techniques analytiques appropriées aux multiples composés chimiques présents et recherchés.

Aérosols primaires et secondaires

Les aérosols dits primaires sont directement émis par les sources alors que les aérosols secondaires sont issus du processus de conversion gaz particule sous conditions thermodynamiques favorables. Ainsi les gaz chauds émis par les sources (type combustion de combustible fossile par exemple) refroidissent au fur et à mesure qu’ils s’élèvent dans l’atmosphère. Ils sont ainsi susceptibles de subir le processus de condensation ou nucléation hétérogène, qui leur permet de basculer dans la phase liquide ou solide et de former ainsi des aérosols nouveaux ou de transformer des aérosols déjà existants.

Composition chimique de l’aérosol

La composition chimique de l’aérosol est extrêmement variable selon la proximité des principales sources (marine, terrigène, végétation, pollution urbaine ou industrielle).
De façon générale, l’aérosol peut être constitué:
 d’ une fraction organique, notée OC pour Organic Carbon, incluant des chaînes carbonées à divers degrés d’oxydation (plus ou moins d’atome d’oxygène présents dans la structure moléculaire) et du carbone suie, noté BC pour Black Carbon,
d’ une fraction inorganique  dominée par les sulfates en atmosphère polluée, pouvant contenir des nitrates, de l’ammonium, du calcium, du magnésium, du potassium, etc

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*des éléments dits en trace du fait de leur présence en faible quantité dans l’aérosol comme par exemple les métaux lourds (plomb, chrome, nickel, etc …) retraduisant l’influence d’une source bien spécifique.

Type de mélange

Une fois la composition chimique connue se pose alors la question de savoir comment ces composés étaient mélangés dans l’aérosol au sein de la population. Trois concepts de mélange existent. Le mélange externe décrit un ensemble de particules dont chacune d’entre elles est composée d’un unique composé chimique. Le mélange interne suppose que toutes les particules ont une composition chimique identique faite des différents composés mélangés de façon homogène. Enfin le mélange ‘core/shell’ suppose qu’au sein d’une particule les composés sont disposés de sorte à former un cœur et des couches superposées de composés différents.

I Connaître la composition chimique des aérosols, pour quoi faire ?

Connaître la composition chimique des aérosols atmosphériques permet de cibler non seulement quelles ont été les sources à l’origine de ces aérosols mais aussi quels ont été les processus d’évolution chimique subis au cours du transport. Ces processus d’évolution sont souvent résumés au travers de réactions chimiques homogènes ou hétérogènes. On parle de vieillissement chimique de l’aérosol au cours de son transport. Ces aérosols plus ou moins vieillis sont susceptibles d’être intégrés dans la phase nuageuse (cf. fiche sur la physique des aérosols) et de modifier ainsi la composition chimique des pluies. Il est alors possible qu’ils confèrent un caractère acide aux précipitations, fonction du caractère plus ou moins hydrosoluble des acides composant l’aérosol.

De plus, connaître en détail la composition chimique de l’aérosol permet de déterminer avec précision l’indice de réfraction de ce mélange qu’est l’aérosol constitué de tous ces composés chimiques. Ainsi, il est possible de connaître les propriétés optiques associées (cf. fiche sur les propriétés optiques des aérosols). On peut alors comprendre plus aisément quelles seront les interactions du rayonnement solaire ou tellurique avec les aérosols. De façon intégrée dans l’espace et dans le temps, il est alors possible de considérer les impacts climatiques d’aérosols de composition chimique différente.

Enfin, en terme de qualité de l’air, il est essentiel de pouvoir cerner quels seront les impacts sanitaires de composés chimiques contenus en forte concentration dans les aérosols inhalés. A forte concentration, certains composés sont dommageables pour la santé humaine.

II Aérosols primaires et secondaires

On qualifie d’aérosols primaires les particules qui sont émises directement sous forme solide au niveau de la surface de la Terre. Leur taille est variable, généralement de 0,1 à quelques dizaines de microns de diamètre. Leur composition chimique reflète celle de la source dont ils sont originaires. Les principales sources d’aérosols primaires sont:

  • les sources terrigènes (poussières éoliennes)
  • la source marine (particules liquides soulevées par le vent et desséchées dans l’air)
  • les volcans
  • les sources anthropiques (d’origine humaine) telles que les combustions diverses, la production de ciment, l’exploitation de carrières et gravières, les pratiques agricoles...

Les aérosols secondaires sont formés, comme le nom l’indique, a posteriori des processus d’émission. Ils sont donc formés dans l’atmosphère à partir de composés gazeux, changeant de phase en fonction des conditions thermodynamiques. Ces processus de nucléation conduisent à la formation d’embryons de très petite taille qui grossissent par divers processus de condensation et coalescence pour donner naissance à de très petites particules: les noyaux d’Aïtken (quelques nanomètres de diamètre) appartenant au mode de nucléation. La nucléation de particules solides ou liquide à partir de précurseurs gazeux ou ioniques est le mécanisme de base de la formation de nouvelles particules dans l’atmosphère. Les particules formées sont ultra-fines et par conséquent difficiles à détecter, mais très nombreuses et donc susceptibles d’avoir un impact radiatif et/ou sanitaire considérable. Leur masse reste suffisamment faible pour qu’elles puissent diffuser dans l’atmosphère. Le tableau 1 ci-dessous montre dans quelle proportion de masse à échelle globale on retrouve les aérosols submicroniques majoritairement issus des processus de conversion gaz/particule. En masse, les aérosols primaires sont prépondérants, cependant le temps de résidence dans l’atmosphère des aérosols secondaires et leur grand nombre permet leur transport sur de longues distances et suppose donc des interactions durables à la fois radiatives ou chimiques.

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Tableau 1 : Estimation des sources d’aérosols primaires et secondaires en Mt.an-1 parmi les sources naturelles et anthropiques d’aérosols.

III Quelles réactions en chimie des aérosols ?

Ces aérosols primaires ou secondaires, une fois en suspension dans l’atmosphère vont subir des processus micro physiques et chimiques qui vont faire évoluer leur composition chimique d’origine. Comme décrit dans la fiche ‘physique des aérosols’, les processus de coagulation, adsorption et condensation sont les mécanismes physiques prépondérants dans cette évolution. Les interactions chimiques sont alors multiples. Au sein de la matière condensée, des réactions chimiques en phase aqueuse sont possibles. Il existe aussi des interactions chimiques entre espèces gazeuses et la matière condensée en phase liquide ou solide, appelées réactions hétérogènes. D’un point de vue théorique, l’efficacité des réactions hétérogènes est abordée sous un angle probabiliste, fonction de la probabilité de collision entre les molécules de gaz et la surface de la phase condensée. Seule une fraction de ces collisions aboutit à la capture et/ou à la transformation chimique de l’espèce gazeuse.

Pour la phase condensée liquide, on comprend donc que l’interaction avec les molécules de gaz est volumique et suppose une phase d’incorporation. Cette phase d’incorporation est plus ou moins rapide, fonction du caractère plus ou moins hydrosoluble de l’espèce gazeuse. Pour un gaz hydrosoluble, elle est limitée par le caractère lent de la diffusion des molécules de gaz à l’interface. Pour un gaz moins soluble, les molécules de gaz présentes à l’interface la saturent, freinant ainsi l’incorporation.

Pour la phase condensée solide, cette interaction est surfacique. Toutes les collisions ne sont pas efficaces et seules quelques unes aboutissent à la capture irréversible au travers d’une réaction chimique avec l’espèce gazeuse.

Ces interactions sont très fortement dépendantes des conditions thermodynamiques dans l’atmosphère, notamment de l’humidité relative. Ce sont ces réactions que l’on retrouve comme processus majoritaire et efficace au sein des phénomènes de ‘trou dans la couche d’ozone stratosphérique’ ou de ‘pluies acides’. Par exemple aussi, la suie voit son caractère hydrophobe transformé vers des propriétés hydrophiles au travers de réactions hétérogènes d’oxydation avec l’ozone troposphérique. Ainsi, la suie (Black Carbon), devenue carbone brun (Brown Carbon) du fait de ce caractère hydrophile peut être intégrée en phase nuageuse et être évacuée de l’atmosphère par précipitations. De même, les particules terrigènes minérales s’avèrent fixer l’acide nitrique gazeux présent dans l’atmosphère au travers de réactions hétérogènes avec des radicaux hydroxyles présents à la surface de l’aérosol. La capture est irréversible et la surface de l’aérosol est rendue passive. Si l’humidité relative varie, la surface des particules minérales peut alors être réactivée. Elles sont ainsi un puits majeur pour le bilan de l’azote dans les zones sous influence de sources terrigènes.

IV Composition chimique des aérosols

La composition chimique de l’aérosol est extrêmement variable selon la proximité des principales sources (marine, terrigène, végétation, pollution urbaine ou industrielle) et les transformations physico-chimiques subies au cours de son transport.

De façon générale, l’aérosol peut être constitué:

  • d’une fraction organique : composée de Matière Organique Particulaire (notée POM pour Particulate Organic Matter), incluant des chaînes carbonées à divers degrés d’oxydation (plus ou moins d’atome d’oxygène présents dans la structure moléculaire) issue de processus de combustion incomplets et de Carbone Suie (noté BC pour Black Carbon). Le carbone suie est la forme graphite du carbone, forme résiduelle la plus réduite après combustion.
  • d’ une fraction inorganique dominée par les sulfates en atmosphère polluée, pouvant contenir des nitrates, de l’ammonium, du calcium, du magnésium, du potassium, du sodium, du chlore, etc. dans des proportions plus ou moins importantes en fonction de la source influente
  • des éléments dits en trace du fait de leur présence en faible quantité dans l’aérosol comme par exemple les métaux lourds (plomb, chrome, nickel, etc …) ou l’aluminium, le fer ou la silice retraduisant l’influence d’aérosols terrigènes.

Pour un échantillon d’aérosols prélevé dans l’atmosphère, les résultats de composition chimique sont souvent rendus comme le présente la figure 1 ci-dessous.

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Figure 1 : Composition chimique moyenne d’une population d’aérosols de type ‘aérosol carboné vieilli’ (prélèvement Nord-Bénin –campagne AMMA 2006) –dust=poussière terrigène désertique

On accède ainsi à une information sur les trois fractions énoncées précédemment. Cette information en masse par unité de volume d’air prélevé a été recomposée à partir des données analytiques brutes fournies par les analyses mises en œuvre a posteriori du prélèvement sur filtre. Cette information est donc intégrée sur la gamme de taille de la population d’aérosols. Avant prélèvement, le filtre vierge peut être pesé afin de connaître, après prélèvement d’aérosols, la masse de la quantité de matière déposée sur le filtre. Cette dernière est analysée par différentes techniques analytiques afin de fournir le plus de détail possible sur les composés chimiques constituant la population d’aérosols. A partir de ces données analytiques, on essaie alors de reconstruire en totalité la masse pesée. On parle alors de ‘fermeture chimique de la population d’aérosols’. Cette fermeture chimique n’est jamais réellement complète. En effet, il est difficile par analyse de révéler toutes les chaînes de composés organiques existant. De fortes hypothèses sont faites pour estimer la masse de matière organique particulaire. De même, l’estimation de la masse de poussières terrigènes est faite à partir des concentrations en éléments trace et d ‘hypothèses faites quant aux sols dont elles émanent. Il est possible de reconstituer cette masse d’aérosols terrigènes grâce à des facteurs d’enrichissement connus pour des sols dont une analyse constitutive a été faite au préalable. Les facteurs d’enrichissement sont établis pour comparer la teneur d’éléments trace par rapport à des éléments de référence comme l’aluminium par exemple. Ainsi si des éléments en trace manquent en sortie d’analyse des aérosols il est possible tout de même d’en estimer la quantité et de reconstruire la masse si l’on connaît la zone géographique où ont pu être mises en suspension ces poussières terrigènes.

Comme mentionné ci-dessus, cette information sur la composition chimique des aérosols est intégrée sur toute la population, ce qui ne permet pas de connaître les intervalles de taille de diamètre dans lesquels on retrouve préférentiellement un composé chimique plus qu’un autre. Ce détail granulométrique sur les composés chimiques d’une population d’aérosol est possible au travers de différentes techniques expérimentales. Il est ainsi possible de mieux comprendre quels processus microphysiques et chimiques on été mis en jeu au cours du transport. La figure ci-dessous (Figure 2) montre les distributions granulométriques des poussières terrigènes (dust), du carbone organique (OC), des sulfates et du carbone suie (BC) pour la population d’aérosols échantillonnées en figure 1, de type aérosol carboné vieilli. La notion de vieillissement chimique apparaît sur les distributions de sulfates et de carbone organique où un mode centré au-delà du micron apparaît. Ces modes laissent supposer que l’aérosol a subi des processus de condensation de composés soufrés et de composés organiques volatils ainsi que des processus de coagulation au cours de son transport.

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Figure 2 : distributions granulométriques des poussières terrigènes (dust), du carbone organique (OC), des sulfates et du carbone suie (BC) pour la population d’aérosols échantillonnées en figure 1 (prélèvement Nord-Bénin –campagne AMMA 2006)

V Type de mélange

Une fois la composition chimique de la population d’aérosols connue, il est difficile de s’imaginer comment ces composés chimiques sont répartis ou mélangés au sein d’une particule d’aérosols de cette population. Plusieurs approches théoriques de la notion de mélange sont considérées à l’heure actuelle. Le mélange dit ‘externe’ suppose que chaque particule de la population n’est constituée que d’un seul composé chimique. Le ‘mélange’ des composés chimiques se fait donc au sein de la population d’aérosols et non au sein d’une particule d’aérosols. Le mélange dit ‘interne’ suppose que, pour une particule d’un diamètre donné pour lequel on connaît les teneurs des différents composés chimiques, ces derniers sont mélangés de façon homogène au sein du volume de la particule. Enfin le mélange dit ‘core/shell’ suppose que, pour une particule d’un diamètre donné pour lequel on connaît les teneurs des différents composés chimiques, ces derniers forment, un à un, un cœur puis une succession de couches additionnelles. Le schéma ci-dessous (figure 3) illustre ces propos.

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Figure 3 : Schéma représentant les différentes notions de mélange

Le mélange interne core / shell semble être le plus réaliste vus les processus potentiels subis au cours du transport. Par validation des propriétés optiques des aérosols associées à ces différents types de mélange, le core/shell semble aussi le plus réaliste.